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Lettre de la Lise
29 janvier 2009

Lettre d'une inconnue, Stefan Zweig

Stefan Zweig est un de mes auteurs préférés car c’est un très bon analyste de la psychologie humaine. Je trouve qu’il parvient parfaitement à rendre compte de la complexité de l’être humain.
Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler d’une de ses nouvelles qui m’a particulièrement touchée : Lettre d’une inconnue. Je m’excuse d’avance : comme je ne possède pas ce livre et que je l’ai lu il y a plusieurs mois, je vous le résume de mémoire et il est donc possible que je fasse des erreurs en racontant cette histoire.

Un homme reçoit une longue lettre anonyme. « Vous ne me connaissez pas, vous ne m’avez jamais connu et pourtant je vous ai aimé toute ma vie »: tel est en substance le message de cette lettre. Cette jeune femme qui lui écrit n’a cessé de l’aimer dans l’ombre depuis son enfance. Mais, elle n’a jamais cherché à vivre une véritable histoire d’amour avec lui. Ils ont pourtant passé une nuit ensemble. Mais ce ne fut qu’une rencontre éphémère, une simple relation charnelle mais certainement pas la rencontre de deux âmes amoureuses… D’ailleurs, lui ne se souvient absolument pas de cette femme, qui ne fut finalement qu’une femme parmi d’autres…

L’héroïne de cette nouvelle semble en être toujours restée au premier stade de l’amour : celui de la « cristallisation » (pour reprendre ce joli mot de Stendhal). En effet, elle n’a eu de cesse de fantasmer sur cet homme : elle l’a mis sur un piédestal et s’est contenté de l’admirer, de l’aimer de loin, toujours de loin. Jamais, elle ne semble avoir envisagé qu’elle aurait pu vivre une véritable histoire d’amour avec lui, qu’elle aurait pu passer à un autre stade de l’amour : celui du partage entre deux êtres qui s’aiment. Certes, il y aura une certaine concrétisation de cet amour puisqu’ils passeront une nuit ensemble comme je vous l’ai dit auparavant. Mais, ce n’est qu’une nuit, durant laquelle aucun mot n’est prononcé, durant laquelle elle ne lui dira rien de ses sentiments. On n’est loin de ce « partage » qui caractérise une véritable relation amoureuse. Finalement, cette nuit ne vaut que parce qu’elle lui permet d’avoir un fils de l’homme qu’elle aime. Un fils qui lui permet de garder toujours auprès d’elle l’image de cet homme qu’elle a tant aimé. La force de cet amour vient certainement de son non accomplissement : l’héroïne de cette histoire en est resté au stade de la « cristallisation », qui n’implique pas l’être aimé. Ainsi, son amour pour lui n’a jamais été menacé puisqu’elle n’a jamais pris le risque de mieux le connaitre et donc de passer par ce stade de « décristalisation » qui menace toute relation amoureuse. En effet, la « décristalisation » passe par la désacralisation de l’autre : on découvre que l’être que l’on aime n’est pas parfait, qu’il a des qualités mais aussi des défauts… C’est à ce moment là que l’on va devoir faire un choix crucial : accepter l’autre avec ses qualités et ses défauts ou mettre fin à son histoire d’amour avec lui parce qu’il ne correspond pas à l’image idéal qu’on s’en était fait…

Je me suis reconnue dans cette héroïne parce que j’ai un peu vécu la même chose qu’elle. Quand j’avais 14 ans, je suis tombée éperdument amoureuse d’un garçon de mon âge dans une colonie de vacances. Mais, je n’ai pas cherché à me rapprocher de lui, je n’ai pas voulu mieux le connaitre. Je me suis contentée de l’admirer de loin et c’est seulement le dernier jour de cette colonie que je lui ai révélé que j’étais tombée amoureuse de lui… Il m’a alors posé une très bonne question : « Pourquoi ne me l’as-tu pas dit plus tôt ? ». Il était en effet surpris que je lui fasse cette déclaration maintenant, alors que je n’avais fait aucun effort pour qu’il me connaisse. En réalité, comme l’héroïne de Zweig, j’en étais resté au stade de la « cristallisation » et je n’ai jamais souhaité qu’une histoire d’amour se concrétise entre nous deux. Je voulais me contenter de l’aimer de loin. Et j’ai fait cette déclaration en sachant très bien qu’il était trop tard pour qu’il se passe quoi que ce soit entre nous deux. Je l’ai mis devant un fait accompli : un amour à sens unique que je ne voulais pas « partager » avec lui. L’héroïne de Zweig a fait la même chose que moi : elle envoie sa lettre juste avant de mourir. Ainsi, comme moi, elle est sure que son amour à sens unique ne deviendra pas un amour partagé…

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Commentaires
M
moi aussi,j'aime énormément Zweig !! surtout la pitié dangereuse, 24 heures de la vie d'une femme: il décrit très bien ce que tout un chacun peut ressentir dans les moments creux de sa vie.<br /> j'ai d'ailleurs vu la version de "lettre d'une inconnue" qu'a proposé Max Ophuls et qui est ... émouvante à souhait.<br /> ce qui est la plus triste, c'est le fait que cet homme n'a pas connu son fils et ne s'est jamais douté de l'amour tellement intense que lui portait cette jeune femme, "une parmi tant d'autres"comme tu le dis
Lettre de la Lise
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